lundi 8 octobre 2007


Roman d’Alain-Fournier, pseudonyme d’Henri Alban Fournier (1886-1914), publié à Paris dans la Nouvelle Revue française de juillet à novembre 1913, et en volume chez Émile-Paul la même année.

Fabuleux voyage dans la mémoire de l’auteur qui, ressuscitant et sublimant son passé, laisse affleurer des moments de joie et d’amertume, le Grand Meaulnes, œuvre consubstantielle à son créateur, recèle force souvenirs de jeunesse: tendre et pur, ce roman participe du monde enfantin d’Alain-Fournier, reproduisant l’ambiance scolaire, son village, Épineuil-le-Fleuriel, et les mystérieux bois solognots, où naissent les aventures et les rêves, où se créent de merveilleux jeux de lumière; marqué par le sceau de l’amour, il fait revivre sa grande passion pour Yvonne de Quièvrecourt, aperçue un jour de juin 1905 sur le Cours-la-Reine, fièvreusement guettée pendant des semaines, approchée enfin pour quelques mots... et retrouvée bien des années après, mariée et mère de famille.

Synopsis


Première partie. Entrant dans la petite école de Sainte-Agathe (chap. 1), Augustin Meaulnes bouleverse la vie paisible de son condisciple François Seurel, le narrateur, fils de l’instituteur (2). L’élève Mouchebœuf doit accompagner François pour aller chercher les grands-parents Seurel à Vierzon; désireux de les ramener lui-même, Meaulnes «s’échappe» de l’école et prend une voiture, retrouvée le soir abandonnée (3-5). Au bout de trois jours, il rentre à l’école (6) où il établit un «mystérieux petit plan» pour retrouver le chemin qu’il a emprunté lors de son escapade. Finalement, il décide de confier à son ami son étrange aventure: alors que Meaulnes, égaré sur la route de Vierzon, a trouvé asile chez des paysans, sa jument s’échappe. Après de longues recherches, l’écolier, perdu et recru de fatigue, passe la nuit dans une bergerie abandonnée (7-10). Il se met en marche et approche d’un «domaine mystérieux»: il aperçoit de «belles petites filles» en costume de jadis, et, craignant de les effrayer, pénètre dans une chambre où il ne tarde pas à s’endormir. Invité dès son réveil à une fête costumée, Meaulnes se déguise en marquis et dîne: il apprend que Frantz de Galais, le maître des lieux, est allé à Bourges pour y chercher la jeune fille qu’il doit épouser (11-14). Le lendemain matin, Augustin rencontre Yvonne de Galais, la sœur de Frantz; il en devient amoureux, mais la fête tourne court, car la fiancée n’est pas venue et Frantz s’est enfui (15-16). Tandis qu’une voiture ramène l’adolescent vers Sainte-Agathe, Meaulnes entend un coup de feu et aperçoit le «grand Pierrot de la fête» — Ganache — qui porte dans ses bras un «corps humain»: Frantz (17).

Deuxième partie. Un soir, intrigués par des cris, François et Augustin sortent dans la rue, où un jeune bohémien au front bandé et des garçons du village leur dérobent le petit plan. Les deux amis retrouvent le lendemain en classe leurs voleurs. Le bohémien restitue à Meaulnes le précieux papier, complété par ses soins et Meaulnes lui fait le serment de répondre à son appel, le jour où il serait «à deux doigts de l’enfer, comme une fois déjà» — allusion à sa tentative de suicide (chap. 1-4). Après un vol de poulets commis par le comédien Ganache, les saltimbanques présentent un spectacle pendant lequel le jeune bohémien révèle à François et Augustin sa véritable identité: c’est lui le «fiancé du domaine perdu» (5-7). Le lendemain, Frantz et son compagnon Ganache disparaissent avant l’arrivée des gendarmes. Après avoir vainement cherché le «sentier perdu», Meaulnes part pour Paris, où il espère revoir Yvonne de Galais. Seurel livre à ses camarades le secret du grand Meaulnes. Il reçoit trois lettres de son ami: apprenant qu’Yvonne s’est mariée, Augustin, abattu, tente d’oublier son aventure (8-12)

Troisième partie. François découvre fortuitement le domaine des Sablonnières et se rend chez son oncle Florentin: celui-ci lui apprend qu’Yvonne de Galais n’est pas mariée et invite la jeune fille, Augustin et François à une fête. Seurel rend visite à la tante Moinel avant d’annoncer la grande nouvelle à son ami (chap. 1-4). À la partie de plaisir, Meaulnes rencontre la jeune fille, qu’il demande en mariage. Le lendemain des noces, appelé par Frantz, le grand Meaulnes, qui file le parfait amour avec Yvonne, part avec lui pour un long voyage, en quête de la fiancée disparue. François console la jeune femme qui, après la naissance d’une petite fille, meurt d’une embolie (5-12). Quelques mois plus tard, Seurel trouve un journal qui lui fournit des renseignements sur la vie passée de Meaulnes à Paris: en cherchant Yvonne, son ami a rencontré et séduit Valentine Blondeau. Lorsqu’il a découvert que celle-ci n’était autre que la fiancée de son «frère d’aventure», il l’a chassée, puis a désiré la revoir. Voilà pourquoi Meaulnes, bourrelé de remords, a quitté Yvonne et répondu à l’appel de Frantz (13-16).

Épilogue. Un an après, Meaulnes ramène Frantz et Valentine mariés, prend sa petite fille et disparaît avec elle.

Critique

Véritable roman d’aventures, le Grand Meaulnes retrace le fantastique parcours du héros; chemin labyrinthique où, ballotté par la fortune, il doit faire face à des situations imprévues: quête du sentier, comparée à un combat, et qui est une suite d’«obstacles»; tribulations qui donnent naissance à une grande amitié entre deux adolescents — et représentent autant d’étapes par lesquelles doit passer le héros pour atteindre le bonheur; recherche de la belle jeune fille du «domaine mystérieux» assimilée à la «princesse» des contes... Tout ici porte la marque de l’aventure, épreuve de la réalité surmontée grâce à une insigne détermination qui révèle chez Augustin le goût de l’action — c’est un «cœur aventureux» (III, 9) — et de la fermeté qu’Alain-Fournier souhaitait pour lui-même.

Ce bonheur qu’ils convoitent tant, les personnages sont incapables de le conquérir. Outre la «faute» — Meaulnes séduit la fiancée de Frantz — et son sinistre cortège de remords, il est en lui une «impuissance à être heureux» (II, 6): quand, à la partie de plaisir, il retrouve enfin celle qu’il aime, il se comporte «comme un étranger, comme quelqu’un qui n’a pas trouvé ce qu’il cherchait» (II, 9); et, le lendemain des noces, il part pour un long voyage (III, 10). Attitude surprenante procédant d’un serment scellé avec Frantz (II, 4) et d’une lutte intérieure: l’obstacle principal réside en lui-même; tout se passe comme si le désir importait plus que sa réalisation, comme si Augustin ne pouvait assumer une réalité trop enchanteresse (l’«inimaginable bonheur», III, 9) — comportement identique à celui de Valentine: «Elle était persuadée que tant de bonheur était impossible» (III, 3). Et Meaulnes de prendre conscience que le bonheur exigé par lui n’est pas celui de tous les autres, et d’affirmer: «Mais un homme qui a fait un bond dans le paradis [la fête étrange], comment pourrait-il s’accommoder de la vie de tout le monde?» (III, 4).

Univers énigmatique où se déroule parfois le magnifique mariage du rêve et de la réalité, le Grand Meaulnes célèbre, comme les œuvres de Nodier, le merveilleux (présence des leitmotive «étrange», «extra-ordinaire» et de certaines composantes du conte: la perte du cheval, l’enfant égaré guidé par une lumière mystérieuse, le pacte d’entraide), laisse le mystère envelopper les actions capitales du héros, le silence enténébrant quelques parties du récit (les occupations de Meaulnes à Paris, son long voyage). Le roman campe des adolescents qui, s’abîmant dans le rêve, n’acceptent pas les contraintes de la vie adulte: désireux de ne pas pénétrer dans le monde réel et de retrouver leur enfance, Meaulnes et Frantz se tournent, à la manière de Proust (voir À la recherche du temps perdu), vers le passé: «Mais le passé peut-il renaître? — Qui sait, dit Meaulnes, pensif» (III, 6). Aussi les héros parent-ils la vie quotidienne du voile de l’imaginaire: choisissant l’ordre de la poésie et du fantastique, Frantz se complaît dans le monde de l’illusion, fraie avec des comédiens, et s’adonne à des «jeux extraordinaires» («Je ne continuerai à vivre que pour l’amusement», II, 9); Meaulnes, lui, échappe à la réalité trop prosaïque en assistant à la «fête étrange»: gaieté des enfants, danses, musique, décor (le rideau et les lanternes multicolores de la chambre de Wellington, I, 12) et atmosphère de théâtre (le chef Maloyau parle «d’une voix traînante à la façon d’un fossoyeur de Shakespeare», I, 12) permettent à l’adolescent de vivre une expérience onirique; la magie des déguisements masque symboliquement le réel et rend cette féerie enfantine plus extraordinaire. Alain-Fournier se place ici sous le parrainage de Nerval: résurrection du passé, retour à l’âge d’or de l’enfance, mais aussi dissolution de cette enfance idéalisée au contact de la réalité. Sous son emprise, l’illusion s’évanouit, la fête, auréolée de «grâce et de merveilles», se mue en cabaret où chantent des ivrognes («Et c’était le commencement du désarroi et de la dévastation [...]. Comme tout paraissait changé déjà...», I, 16). Érosion du rêve, marquée par l’ordonnance architecturale du Grand Meaulnes: le château de cartes du merveilleux s’effondre à la charnière du roman, au chapitre 7 de la deuxième partie — où les personnages basculent dans la sombre réalité: en enlevant son bandeau de bohémien, Frantz marque sa soumission aux contingences matérielles. Aussi bien l’œuvre obéit-elle à une courbe involutive, qui suit les étapes de la dramatisation: ruines du domaine, fin des aventures avec la fuite de Meaulnes, mort d’Yvonne de Galais, décrite d’une manière saisissante («Des cheveux morts qui ont un goût de terre», III, 12) figurent la triste réalité et font du Grand Meaulnes un roman de la désillusion. Pour se soustraire à cette médiocrité, le narrateur se réfugie dans le monde littéraire, monde où le temps peut être aboli.

L’écriture subtile de François place en effet l’histoire sous le signe de l’intemporalité, laquelle est créée par une détérioration de la chronologie — dans la première partie, le chapitre 5 se passe en même temps que les chapitres 8 et 9 — et une dimension circulaire du récit: il est des cercles concentriques, des échos (le cri de Frantz: «Hou-ou!») qui suppriment la linéarité de l’action. Cette construction du roman est symptomatique d’un regard interne: l’univers décrit participe des impressions, des émotions de François qui, au terme du roman, aura, lui, trouvé son vrai bonheur: écrire.
Amitié, mystère du bonheur, souvenir indélébile de l’enfance: le Grand Meaulnes, au-delà du merveilleux, modelé sur un fantastique dialogue entre le rêve et la réalité, parvient à un langage universel, révélant les arcanes de l’âme à travers une esthétique qui, loin de se fondre dans le moule d’un système littéraire, est originale; si bien que ce chef-d’œuvre peut se lire comme une véritable métaphore proustienne: un monde autonome et irremplaçable.

Réflexions sur la violence et le théâtre élisabéthain

« L'homme est, je vous l'avoue, un méchant animal. » Molière
Ce qui sera l'histoire de l'Homme commence il y a plus de trois milliards d'années. C'est lui le dernier maillon, semble-t-il, de la chaîne qui lie la vie animale depuis la première cellule vivante jusqu'à aujourd'hui. Mais ce n'est pas un animal comme les autres: il envahit tout, imprime sa marque, et les êtres et les choses subissent sa loi. C'est son intelligence qui lui donne droit à une place à part et fait de lui, en fait, le maître du monde. N'ira-t-il pas un jour jusqu'à fabriquer des êtres nouveaux et se modifier lui-même?
Pour en arriver là, l'Homo Sapiens a eu à se heurter à un univers souvent hostile qu'il lui a fallu vaincre grâce à son cerveau, car sa force physique n'aurait pas suffit à la tâche. Ce fut de tous les temps un agresseur agressé, victime et bénéficiaire de la violence: il a dû combattre la matière, les animaux, ses semblables, puis sa société et les autres sociétés. La lutte dure encore; la Violence n'a pas disparu avec ce que l'on appelle la Civilisation. Ses moyens ont évolué mais 'Elle' est restée, avant et depuis l'âge de pierre, l'âge des métaux, passant à travers chaque ère nouvelle, pour survivre jusqu'à la nôtre, l'ère atomique; décuplant d'abord, à chaque acquisition nouvelle puis multipliant à l'infini, ses possibilités de destruction, atteignant, ou presque, la puissance de provoquer l'apocalypse.
Car capable d'évolution, capable d'imagination, maître de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, l'Homme est cependant demeuré moralement le même qu'aux premiers temps. L'homme reste homme. Nul siècle de la longue histoire de l'humanité ne peut être qualifiée de moins ou plus violent que l'autre. Seuls ont varié les moyens mis à sa disposition par le cerveau humain, leur puissance, l'étendue de leur pouvoir, qui dépasse les limites de la planète Terre. La violence, elle, se porte très bien: tout est occasion, pour elle, de se développer, croître et embellir, y compris les découvertes les plus miraculeuses: agressivité de l'automobile, violence dans les grands ensembles urbains, folie de la bombe atomique... L'insécurité n'est pas une invention des temps modernes cependant.
Omniprésente au cours de l'histoire de notre monde, infiniment variée, protéiforme, l'agressivité se reflète dans les créations mêmes de l'esprit et de l'art: la danse, la peinture, la sculpture, la musique, les lettres, le théâtre, le cinéma, l'audio-visuel en témoignent: qu'elle soit individuelle ou collective, qu'elle s'adresse aux animaux ou aux humains, qu'elle soit d'ordre politique, religieux, économique, elle est de tous les temps et de tous les lieux, véritable tare de la condition humaine.
Pour lutter contre la violence, rien de mieux que la violence elle-même. La police à l'intérieur du pays, aidée par la justice, ses tribunaux, ses condamnations; l'armée pour l'extérieur avec tout son attirail raffiné, ses pelotons d'exécution, ses camps de prisonniers; et pour ceux qui ne sont pas comblés par ces organismes répressifs, la justice que l'on se fait soi-même. Si tout cela ne satisfait pas, il est toujours possible de se barricader; de fermer les yeux ou de se voiler la face; de refuser de contempler ce signe d'un recul de notre civilisation, de notre société de consommation (qui fait cependant les délices des journaux et se trouve être à l'origine d'une certaine presse spécialisée dans le scandale et les reportages suggestifs). La violence n'est plus le fait des barbares, elle a gagné les 'civilisés', faisant montre, parfois, d'un certain doigté, d'une esthétique particulière; on la rend presque acceptable, anodine, propre comme cette bombe à neutrons qui ne laisse pas au sang le temps d'éclabousser et respecte le souvenir offert aux générations futures absentes, les magnifiques édifices modernes intacts et désolés. L'Etat n'est pas pour rien dans tout cela; certes, les exécutions capitales ont tendance, sur le papier, à disparaître (n'existe-t-il pas d'autres formes aussi efficaces de violence ?); mais quand elles demeurent, elles ont lieu à l'aube, en cachette, avec la présence de quelques fonctionnaires spécialisés, pour les formalités d'état-civil et la bonne règle.L'homme connaît la faiblesse de sa chair; il a progressé, de ce fait, dans la torture: plus de roue, de pilori, de pal, de fouet en public; l'Inquisition et son matériel grossier et démodé fait place à la fée électrique; rien de tel, dans certaines mains, pour pratiquer un interrogatoire approfondi ou un hygiénique lavage de cerveau. Le progrès scientifique doit être bénéfique pour tous, dans tous les cas... Et l'on prend prétexte de plus de propreté, plus de rapidité avec, en contrepartie, moins de souffrance pour le supplicié: hypocrisie insoutenable, incontrôlable; car que penser du choix d'un moyen de tuer l'homme plus acceptable par celui-ci, préconisé par un tiers partisan, semble-t-il, de la peine de mort pour ses semblables? Comment en juger? Quelles expériences personnelles invoquer ?
Où trouver la paix sur terre ? Dans ce monde où les croyants ne savent pas toujours qui règne: le dieu ou le diable, avec cet 'Homme' "ni ange ni bête "
( Pascal) en proie à l'orgueil, l'envie, l'avarice, la luxure, la gourmandise, la colère et la paresse, sept péchés capitaux à l'origine de tout le mal. Peut-on se retirer d'un monde où la vie nous engage ? Vivre hors de la collectivité, en simple témoin ? Se laver les mains comme Ponce Pilate à la vue des violences dont le Christ fut l'objet ? En réalité chacun porte sa part de responsabilité; mais la nature humaine n'aide pas à sortir de ce dilemme: lutter ou subir. Comment réaliser le monde où la règle serait: tous pour un, un pour tous ? Aucune voie, jusqu'ici, ne semble s'offrir; aucune théorie sinon utopique. Mais pourquoi désespérer de l'Homme, " dieu tombé qui se souvient des cieux " (Lamartine). Et il faut bien " s'y mettre" et assumer ses responsabilités car l'explosion atomique concernera l'humanité tout entière.
Ce n'est pas légitimer la violence que de dire qu'elle reflète , dans une certaine mesure, la Société, car si elle est dans la nature de l'homme, elle est également propre au groupe. Aussi chacun la voit, la subit et la juge d'une manière différente selon le bord où il se trouve. Le Pape et son troupeau la condamnent au nom de la morale chrétienne. Marx, Sorel, Fanon, Sartre et bien d'autres la justifient sous certaines formes et dans certains cas, au nom de la solidarité humaine. Force purificatrice pour les uns, régénératrice, offrant l'auréole du martyre aux ' glorieux morts" de sa cause, elle est le mal, le mensonge, la destruction pour les autres. Avec la puissance économique, celle de l'Argent, elle se multiplie et devient satanique: ainsi le millionnaire de Bernanos, qui " peut tuer... sans même savoir qu'il tue " , symbolisant l'oppression de classe; d'où la révolte des romantiques contre le décorum, la modération du rationalisme du XVIIIe siècle, mais aussi la fascination exercée par Satan, Caïn, le docteur Faust: " Le Veau d'Or est toujours debout. ". (Faust de Gounod)
L'alerte est cependant donnée, grâce à toutes ces voix, d'origine et d'expression différentes, aux mobiles parfois obscurs, dispersées, non coordonnées, parfois discordantes, parfois suspectes : autorités morales, mass media, associations diverses comme Amnesty International. Leur action souvent bénéfique, parfois dangereuse, ou maladroite, a du moins l'avantage de tirer la sonnette d'alarme, mais pose le problème sans le résoudre, car y a-t-il une solution ? La violence des mauvais n'attire-t-elle pas la violence des bons ? N'y a-t-il pas de "bonnes guerres" où "Dieu est avec nous" (de part et d'autre du Front) ? Et le régime du voisin est-il vraiment plus totalitaire que le nôtre ? Et cela vaut-il une croisade... aux neutrons (par antinomie)?
La société, la nation, et souvent les groupes de nations, soucieuses de la défense de leurs intérêts, pratiquent la course aux armements, de plus en plus machiavéliques, sous prétexte d'équilibre et de paix, à l'extérieur de leurs frontières, dissuasives, mais prêtes à répondre, ou même à précéder l'attaque. A l'intérieur, par des méthodes améliorées, sans doute plus propres en apparence mais dignes de la pire Inquisition, elle se défend contre les idées subversives, celles qui pourraient miner les bastions où se réfugient le Pouvoir, les prérogatives de le classe ou de l'oligarchie dirigeante.
Individuelle ou collective, améliorée de jour en jour, polymorphe à volonté, la violence est de plus en plus source de perplexité difficile à cerner et à comprendre. Avant 1968 les ouvrages traitant de la violence, et les tentatives pour en définir la nature et les formes, furent rares, ainsi que le souligne avec suprise Pierre Chaunu qui écrit :
Pour le XVIIe siècle et le XVIIIe siècle, nous avons consulté, en français, vingt-neuf dictionnaires et encyclopédies, relevant les définitions de "violence" "violent" et "colère". L'exploration nous a réservé quelques surprises. La première, c'est l'étendue de la zone de silence ; 40 pour cent (12 sur 29) des recueils consultés n'ont aucune rubrique à "violence" et à "colère ".
La violence est souvent comprise dans son sens le plus commun de violence physique telle que la définit Furetière, sans distinction de nuances (devenues aujourd'hui très importantes) comme celles qui existent entre violence et force, par exemple. En effet Furetière explique cette contrainte comme la "force dont on use avec quelqu'un pour lui faire quelqu'injustice ou quelque dommage " et il ajoute : "Les violences sont défendues en tous les Etats policés. Une chose dont on jouit par la violence ne se peut prescrire. Les tyrans ne se maintiennent que par la violence et par les armes "
Le monde anglo-saxon n'était pas plus prolixe sur la question. R.Hofstadter, dans son livre American Violence a la même réaction que Chaunu :
"The first collective multi-volume social history of the U.S., the History of American Life Series, edited by Arthur M.Schlesinger and Dixon Ryan Fox and appearing mainly in the 1920's and 1930's gave only the most casual attention to violent episodes. The Old Encyclopedia of the Social Sciences did not have an entry under "violence" and neither does the recent International Encyclopedia of Social Science".
Il en est de même de H.Arendt qui écrit :
No one engaged in thought about history and politics can remain unaware of the enormous role violence has always played in human affairs, and it is at first glance rather surprising that the violence has been singled out so seldom for special consideration .
Etait-ce par pudeur ? Car enfin, les traditions et les religions sont tissées d'interdits et de malédictions; les légendes et l'Histoire sont faites de guerres, de luttes, de meurtres et de forfaits. Et si aucun suspens ne survient, on se complaît alors à inventer des choses horribles : romans policiers ou d'épouvantes, films et récits de catastrophes. La peinture, la sculpture et l'architecture avec ses prisons et ses camps sont atteintes du même virus; et bien sûr, la littérature et le théâtre de tous les temps, de toutes les nations...
Pourquoi celui d'Angleterre, du temps d'Elisabeth 1ère, ferait-il exception à la règle ? L'Anglais d'alors, ses moeurs et son milieu ne s'y prêtaient-ils pas excellemment? Ses traditions théâtrales, leur passé, n'allaient-ils pas dans ce sens ? N'y avait-il pas le grand exemple du grand maître? Et en éclipsant, assez volontairement, son soleil, n'allait- on pas découvrir une couronne, abondante, d'auteurs, de dramaturges, que sa lumière empêchait de discerner et de connaître?... Le chêne gigantesque ne dissimulait-il pas une forêt pleine d'attraits et d'intérêt ?
L'homme pour lequel on écrit, que l'on doit satisfaire, est à peu près le même du temps d'Elisabeth que celui du règne de Jacques Ier, tout comme ses goûts, ses aspirations et son milieu. Il subit un système dont on l'a persuadé qu'il était indispensable à son bonheur, à l'avenir de son pays, avec ses contraintes, ses tabous, les sacrifices qu'il exige et qui forment autant de limites à sa liberté. Il s'est accoutumé aux violences de sa génération, acceptant même qu'il en soit de bonnes, d'utiles, et de mauvaises, à proscrire; enfin d'inévitables au service d'un bien supérieur assez vague et imprécis, qu'il importe d'accepter, sans discussion ni murmure, avec une discipline quasi militaire.
Les critères continuent à changer, sans doute, mais les principes demeurent; l'individu s'y résigne, souscrit à la légitimité de certaines contraintes et agressions, en tire son propre code : pourquoi ne pas continuer à faire de tout cela un spectacle, le Spectacle ? L'homme d'alors en est-il plus mauvais que ne le fut son père et que ne le sera sa descendance ?N'y aura-t-il plus que le mal? La "belle époque", l'Eden, sont-ils des vues de l'esprit? Après "l'Etat de Nature" de Hobbes par lequel il justifie son fameux postulat " l'homme est un loup pour l'homme " et qui apparaît aujourd'hui comme une construction purement intellectuelle, après la naissance d'une certaine psychologie moderne avec Alfred Adler, Freud et leurs disciples qui attribuent les tendances agressives de l'homme à des dispositions innées d'ordre psychique, après encore la récente apparition de la sociobiologie qui réduit l'agressivité à une fatalité génétique, voilà qu'apparaît maintenant une autre théorie : la violence est un produit de l'agriculture, non un instinct biologique. Le spectateur élisabéthain qui se rendait au théâtre ne semble pas avoir beaucoup réfléchi à ce qui le poussait vers la salle où se pressaient tant de ses contemporains : agression ou non, sans en chercher la cause, il allait voir et entendre une oeuvre dont il pensait qu'elle lui ferait plaisir; l'auteur, qui le connaissait, avait bien travaillé pour cela.
Les théories qui tentent d'expliquer la violence sont légion. Les préoccupations des Elisabéthains étaient tout autres, sans qu'ils se posent des problèmes sur la proportion d'inné ou d'acquis qui déterminait leur comportement. Ils aimaient le théâtre comme certains la peinture, ou la sculpture, dont l'inspiration naît souvent de scènes de violence extraites des religions et de l'Histoire, comme d'autres aiment ces grands cirques romains, chefs-d’œuvre d'architecture conçus pour la "Mort dans l'Après-Midi " et ces magnifiques châteaux féodaux, leurs fossés, leurs ponts, leurs murailles, faits pour la défense avec leurs créneaux, leurs meurtrières, leurs machineries, leurs superstructures contre les catapultes. Et n'existe-il pas des églises fortifiées, refuges organisés pour la défense active, autant que passive, avec leurs dispositifs meurtriers ? Et des temples grandioses avec leurs tables de sacrifice symbolique ou réel ? Eux préféraient sans doute le théâtre qui venait de recevoir ses titres de noblesse et qui leur permettait le contact avec leurs héros, qu'ils voyaient et entendaient vivre et mourir devant eux suivant un rituel accepté, bien établi, sans surprises désagréables, sans déceptions, fait pour le public tel qu'il était, par des auteurs qui le connaissaient bien et qui pensaient, en plein accord avec ceux à qui ils s'adressaient, que les préoccupations de ces hommes coïncidaient avec le but didactique du théâtre à cette époque; c'est dire qu'elles étaient, comme pour lui, d'ordre moral : les pressions exercées par l'Eglise et L'Etat y étaient, évidemment, pour quelque chose.
Etymologiquement, la morale, dans une société et à une époque données, est faite des règles qui consacrent les moeurs du temps généralement admises. Ces principes, partie intégrante des traditions orales ou écrites, forment la substance d'un certain nombre de codes qu'il importe alors de respecter. C'est ainsi qu'au début du XXIe siècle on peut parler d'un "code moral" à instaurer pour réduire la violence et la pornographie à la télévision, d'un "code de conduite" à l'usage des "professions fragiles" susceptibles d'être confrontés à des situations de violence, ou de la campagne de moralisation "tous azimuts" de certains pays. Ici on abolit la peine de mort, là on dénonce l'amoralisme politique ; ailleurs encore on tente de "faire échec à une manifestation de violence " par la création d'un Comité National de la Sécurité. Cette tendance, assez générale, à codifier ce qui apporte le bien et ce qui crée le mal, et principalement à une époque où les moyens de nuire, leur puissance de destruction, dépassent l'imagination, prouve que l'humanité, d'une façon globale, prend conscience du danger et n'en voit la solution que dans un retour à une morale, non pas métaphysique, mais pragmatique, essentiellement sociale, seule capable d'enrayer la marche inéluctable vers un destin apocalyptique fait de sang et de deuils.
C'est parce que s'était affaiblie et dégradée cette morale sociale que, sans aucun doute, s'est déclenché et précipité le processus révolutionnaire dans l'Angleterre de l'époque, pour finalement aboutir, au milieu du XVIIe siècle, à la décapitation de Charles Ier. Il fut un temps, en ce pays, où la morale sociale prônait la levée de boucliers contre l'hérétique, ennemi commun de la religion : toutes les exactions, les bûchers humains, les guerres, se justifiaient par les exigences de la foi. Cette menace éliminée, la même morale, à qui revient le droit de décider des idéaux et des normes, désigna l'Espagnol à la vindicte populaire : galvanisés, débarrassés de toute anxiété, Dieu étant avec eux, les fidèles sujets d'Elisabeth avaient fait des prodiges pour défendre leur nation et leur foi...
Mais à la mort de Jacques Ier, l'ennemi commun ne sera plus l'hérétique, ni Espagnol: ce sera le courtisan corrompu, sans foi ni loi, retranché dans son microcosme. C'est lui qui a éloigné le peuple de son roi, rompant ainsi l'unité sociale qui, de ce fait, a vécu. Pourquoi alors accepter sans contrepartie tous les sacrifices; pourquoi subir sans résister des limitations aux libertés essentielles, puisque est bafoué l'ordre, et reniée la hiérarchie; rien ne peut plus s'opposer aux heurts, aux conflits, aux affrontements qui vont se donner libre cours, puisque n'existe plus de légitimation morale à ce qui est devenu le Pouvoir.Dans la mesure où le théâtre est une manifestation sociale, une contribution au développement de la civilisation, et où le théâtre élisabéthain, plus précisément, se caractérise par une profusion d'actes sanglants, il semble possible d'admettre qu'il n'est, après tout, qu'un reflet, une expression des conflits, des espoirs et des craintes de forces sociales en présence, non sans luttes, dans cette période marquante de l'histoire anglaise.La scène doit-elle obligatoirement refléter la vie de la société de l'époque? Il est certain qu'en tant que moyen d'expression susceptible de dispenser conseils et critiques, arbitre impartial du combat que se livrent le Bien et le Mal, le théâtre jacobéen de Webster, Chapman, Ben Jonson ou Fletcher se devait de traiter des préoccupations collectives de l'heure. Les théories mêmes, philosophiques, religieuses ou d'ordre sociologique, autochtones ou venues de l'étranger, éveillaient son intérêt et apparaissaient dans les oeuvres soumises au public.Le machiavélisme exerçait ainsi sa fascination sur la scène élisabéthaine et, dans l'opinion anglaise, coïncidait avec la poussée et l'essor grandissant de l'individualisme. Et quand surgissait tout à coup la menace de l'invasion, quand ce danger mortel ébranlait les portes de l'Europe, quand le Turc mettait en péril la vie matérielle et spirituelle des gens, alors, dans les oeuvres mettant en scène l'infidèle, l'action dramatique n'était plus perçue comme une imagination de l'esprit, une sorte de Némésis barrant la route à toute identification avec la réalité, mais bien au contraire, elle devenait l'illustration vivante d'un fait quotidien tangible, lieu d'intérêt, de préoccupation, de souci, commun à l'auteur et à son public : le drame qui avait lieu sur scène devenait alors la représentation, la répétition fidèle d'un événement politique, mais aussi profondément religieux, sinon sacré, et par conséquent réclamant l'entière participation des uns et des autres. Ainsi le théâtre continuait et prolongeait ce sentiment de péril imminent, de menace d'anéantissement que cristallisait à l'époque l'invasion turque.Moins facile à expliquer et, dans un certain sens, à justifier, est la représentation matérielle de la violence et son usage, un peu abusif peut-être, sur la scène élisabéthaine. Certes, tous sont d'accord pour constater, parfois pour dénoncer, l'emploi à profusion de ces pratiques par les dramaturges de ce temps. Peut-être s'agissait-il alors pour eux de démontrer par l'absurde combien il était nécessaire de soutenir la lutte engagée par les deux pouvoirs en faveur de l'interdiction de coutumes désastreuses. Le duel et le suicide, par exemple, touchaient dangereusement la fleur de l'aristocratie, " aurora filii" disait Bacon. Les représenter au théâtre pour en démontrer les effets devenait alors oeuvre de salubrité publique.Quoi qu'il en soit, parce que l'histoire en marche, celle du passé comme celle du présent, est vie et mouvement, parce que le théâtre doit précisément être, lui aussi, une représentation de la réalité, l'histoire qui se fait sous ses yeux est source naturelle où va puiser le dramaturge.Mais il doit le faire avec prudence et réflexion. D'abord il faut présenter au public des oeuvres qui plaisent et qu'il puisse comprendre; et quoi de mieux que de faire appel à l'actualité, à la vie elle-même, à l'exemple quotidien, au réel, pour réaliser ces conditions? Mais aussi on va devoir éviter, contourner les interdictions, la censure, respecter la loi et les règlements prescrits par les Pouvoirs. Se conformer aux traditions, aux conventions, est le seul moyen de faire admettre son oeuvre par ses censeurs. On peut le faire en empruntant au passé, mais ce n'est pas sans risque de se voir coupé du présent. Sejanus et Catiline de Ben Jonson en sont une preuve. Cela va, de plus, à l'encontre du rôle du théâtre qui doit refléter la société locale en action et, par la critique, en proposant des solutions, accomplir sa mission éducatrice et moralisatrice. L'auteur devra alors faire montre d'intelligence et de diplomatie, suggérer plutôt qu'attaquer directement, de front, pour éviter de heurter le pouvoir, de subir sa violence, tout en se montrant actuel, donc utile. Le public attend de lui une morale, une ligne de conduite proposée par l'exemple et l'action, nécessaire pour résoudre les problèmes de chaque jour.Et précisément, il est aisé de constater que les auteurs dramatiques n'ont pas hésité à remettre en question après la mort d'Elisabeth et l'avènement d'un souverain "étranger", le bien-fondé de l'acceptation, par tout individu du groupe, des sacrifices nécessaires au maintien de l'unité sociale, seule garantie reconnue du maintien de l'ordre public. La politique et son ferment de troubles entrait-elle alors ainsi dans les attributs du théâtre? La contestation en fait n'y était pas chose nouvelle. La révolution y était, elle, moins habituellement manifeste et, de toute manière, difficile à discerner; et pour cause : les risques de disparition étant déjà pour le théâtre suffisamment graves sans cela... Cependant, si le règne de Jacques Ier ne vit se préciser que des réactions contre la cour, celui de Charles Ier allait se terminer plus tragiquement... Toutefois, en profitant allégrement d'habiles transpositions dramatiques de l'action dans le temps et l'espace, fut contestée alors , par la bouche de prestigieux rebelles comme Biron ou Barnavelt, l'utilité d'atteintes ou de limitations à la liberté individuelle, rançon d'un ordre établi qui commençait à peser. Bien plus, les auteurs osaient bafouer les concepts transcendantaux de Pouvoir et de Religion et dénoncer l'intrusion du clergé dans les actes de l'existence quotidienne. Webster et Ben Jonson donnèrent l'exemple d'une telle orientation du théâtre. Amenés à réfléchir, à établir des comparaisons, à ne plus admettre sans discussion, ils ne ménagèrent ni le pouvoir ni l'Eglise qui tentait d'affaiblir à son profit l'autorité du roi.Profitant de cet antagonisme, jugeant sans doute que le danger venait moins d'un roi menacé de perdre sa légitimité, de n'être plus l'oint du Seigneur, que d'une religion rigide, sans compromis, prête à la violence sous toutes ses formes, la plupart des dramaturges n'hésitaient pas à décocher leurs flèches les plus meurtrières contre la religion. Le croyant lui-même se posait des questions; et se poser des questions au sujet de l'autorité supérieure ecclésiastique , au sujet de ses propres croyances est, pour le fidèle, inquiet de son âme, le commencement du doute. Refusant de reconnaître toute hiérarchie temporelle ou spirituelle, le puritanisme va alors jusqu'à appeler à la violence légalisée, à la violence purificatrice, afin de fonder une nouvelle Jérusalem par la force.
L'occasion, cependant, d'égratigner le pouvoir temporel, revient plus fréquemment dans la vie courante que celle de discuter des orientations du pouvoir spirituel. Mais lorsqu'il s'agit de présenter un tyran sanguinaire, les dramaturges prennent grand soin de faire une habile distinction entre la morale politique, qui concerne le conducteur du groupe, et la morale privée, du chef considéré en tant qu'homme. Dans l'une des premières pièces élisabéthaines, Gorboduc, Hamon donne ce conseil à Ferrex, son roi :
"Meurtres et vols violents sont chez l'individu crimes odieux, dignes de durs reproches. Ils ne sont nulle offense, s'ornent du nom glorieux de nobles conquêtes entre les mains des rois ".A la fin du règne de Jacques Ier, plus d'un demi siècle plus tard, le procédé n'aura pas changé. Dans The Bloody Brother, dont les thèmes reprennent d'ailleurs les arguments de celui de Gorboduc - la conquête de la couronne au prix d'un fratricide- La Torch, âme damnée de Rollo, reprend à son compte les termes utilisés par Hamond.
La prise de conscience politique qui, à l'époque jacobéenne, se manifeste chez le peuple et dans son théâtre, peut se déceler dans les attaques de Chapman, par exemple, lorsqu'il vise le côté charismatique du régime français, cette identification du roi à la nation, propre aux régimes totalitaires, qu'il ne manque pas de rapprocher de ce qui se passe en Angleterre. Certes, Chapman n'en est encore qu'à dénoncer la corruption et les turpitudes de la cour. Plus tard, d'autres feront en sorte que ce sera le roi lui-même, Charles Ier, qui finalement devra rendre personnellement des comptes; et il paiera de sa tête, sur l'échafaud. Pour Chapman, prédécesseur lucide, ni ses motivations personnelles, ni sa vive sympathie pour le stoicisme ne semblent suffisantes pour expliquer son attitude et son action; d'autres influences ont dû jouer, notamment celle de Marcile Ficin; mais l'essentiel est de considérer que le théâtre d'une époque facilite et précise l'essor et l'aboutissement des idées en marche.Le progrès, la marche vers la lumière, est fruit de l'échange des idées, de la remise en question permanente des principes acquis et des valeurs provisoirement reconnues. Tout doit se démontrer; pas de "Révélation" valable sans preuve." Shakespeare est tout dans l'antithèse " disait Victor Hugo; on peut en dire autant des Elisabéthains; antithétiques et contradictoires, ainsi peuvent être qualifiés leurs thèmes, leur verbe, leur mise en scène. Et parce qu'ils étaient convaincus de leur bon droit, ils voulaient être persuasifs; et parce qu'ils trouvaient dans leur vie quotidienne maints sujets de satire, ils étaient féconds; et parce que la lutte des idées était un combat, ils étaient souvent agressifs et violents. Si leur devise n'est pas " totus in antithesi, " elle ne peut pas être non plus " Sancta simplicitas ". L'échange des idées par la parole, l'image, l'exemple dans l'action, telle est la raison d'être du théâtre, et quand les idées s'affrontent, la violence peut reprendre légitimement ses droits. Et n'est-ce-pas vérité reconnue que, de toute façon, le monde est un véritable et vaste théâtre de l'histoire en mouvement perpétuel ? " Totus mundus histrionem agit..." et cela de toute éternité et presque à la fin du monde, à l'Apocalypse, et in extremis, au Jugement Dernier, ultime et majestueux tableau du grand spectacle de la vie...
"This that one day that shall include and comprehend all that went before it; wherein, as in the last scene, all the Actors must enter, to compleate, and make up the catastrophe of this great piece. "
Ainsi parlait Thomas Brown, et certainement plus d'un Elisabéthain partageait son opinion. C'est dire, par conséquent, combien est éternel le problème de la violence, qui appartient à la fois à l'Homme et à son théâtre. Née avec l'apparition de la vie sur terre, elle sera encore présente au Jugement Dernier. Ce sera cependant, peut-être sa dernière apparition si l'on fait abstraction de l'infini supplice des flammes inextinguibles de l'Enfer que subiront les âmes des damnés, et sans doute leurs corps ?" Felix qui poterit rerum cognoscere causas " disait Lucrèce... Certes, il est difficile de connaître et d'apprécier les lois qui régissent le monde, surtout quand la volonté insondable du Dieu Vengeur vient compliquer les choses. A la violence de l'homme, disparue à jamais, succédera-t-il une violence divine éternelle ? On peut se poser la question.

La Violence d'Etat dans les drames historiques de Shakespeare



Les oeuvres de Shakespeare n'ont jamais été du genre qu'on pourrait appeler aujourd'hui subversif ou engagé ; mais elles n'ont jamais été non plus des oeuvres à l'eau de rose, totalement inoffensives; car, enfin, est-il possible de croire que l'un des plus grands écrivains que l'humanité ait jamais connus, n'ait rien dit contre les maux universels, donc actuels, de la violence d'Etat, cette violence dirigée contre l'individu au nom de la loi ? Et ce" miroir tendu à la nature " ne renvoie-t-il pas un trait, une flèche à l'adresse des gouvernants assoiffés de pouvoir, qui volontairement, confondent bien public et ambition personnelle ? Aurait-il, aujourd'hui, cautionné par exemple, au nom sacro-saint de l'Ordre, la brutale répression de la Place Tia-Na-Men à Beijing ?
Certes, à l'époque où Shakespeare débutait sur la scène, une menace mortelle était suspendue comme l'épée de Damoclès, au dessus de l'existence même de ce presque unique instrument pouvant toucher les masses, et prête à en trancher le fil. Il ne faut pas, en effet, sous-estimer L'importance, à cette époque, de la violence du Pouvoir, des pouvoirs, tous deux de droit divin, la Reine (et sa Cour), la Religion (et le Clergé), causes permanentes de conflits, de heurts, de sanctions. Très imbues de leur autorité, elles étaient peu disposées à laisser les coudées franches aux écrivains et dramaturges de l'époque. Plusieurs institutions, comme la Chambre Etoilée ou la Haute Commission, et plusieurs lois d'inspiration politique ou religieuse, muselaient pour ainsi dire le théâtre. Le "Master of Revels"- ou Maître des Cérémonies - était spécialement chargé de veiller à la sauvegarde et au respect de la monarchie et de l'Ordre sur la scène. Toute atteinte à la personne royale, toute allusion à son autorité était sévèrement réprimée. Etait également puni tout propos déplacé à l'égard des monarques amis et même des hauts dignitaires du régime. Shakespeare ne pouvait oublier l'emprisonnement, en mai 1593, de son collègue Kyd, et les tortures qu'on lui avait infligées pour avoir écrit un pamphlet contre l'Etat et la religion. Ben Jonson et son ami Nashe ont failli avoir le nez et les oreilles coupées

pour avoir écrit une comédie, The Isle of Dogs , qui prenait à partie les Ecossais, oubliant les origines du roi Jacques 1er. En I6O6 Marston quitta Londres précipitamment pour éviter les rigueurs de la prison et le triste sort de ses amis Chapman et Ben Jonson, qui ont écrit avec lui, Eastward Ho! La première représentation de Byron, de Chapman, se termina par l'emprisonnement des trois principaux acteurs de la pièce, à la suite d'une plainte formulée par l'ambassadeur de France. Shakespeare lui même dut supprimer la scène de l'abdication dans Richard II, tant elle déplaisait à Elisabeth. D'ailleurs cette reine jouissait d'une popularité exceptionnelle et ses pouvoirs étaient pratiquement illimités quand Shakespeare commença sa fresque historique. N'était-il pas dangereux alors de parler de la violence exercée par le pouvoir, de sa légitimité, de ses dérapages, alors que cette reine se trouvait elle même confrontée à plusieurs complots et rébellions et que l'insécurité régnait partout en Angleterre? Pourtant, en tant que moyen susceptible de dispenser conseils et critiques, arbitre impartial du combat que se livrent le Bien et le Mal, le théâtre shakespearien se devait de traiter les préoccupations collectives de l'heure et de répondre ainsi à sa mission sociale, en recourant, éventuellement, à un langage convenu, à clef, compris par un auditoire complice,"disant bien ce que l'on veut dire ", mais inattaquable, pour fustiger, jamais directement, les excès de la Cour et parfois le Roi.Ainsi, dans Richard II, le "ver rongeur " de l'Etat n'est autre que le courtisan." le Roi, dit le sage Northumberland,Du coup, on n'a plus à l'esprit les accusations portées directement sur la personne du roi, comme celles de Ross.
Et ainsi le courtisan devient le bouc émissaire. Voici en quels termes Bolingbroke, l'usurpateur, qui, ironiquement, fait figure ici de justicier, justifie la peine de mort qu'il a prononcée contre certains de ces sycophantes :

I will not vex your souls-
Since presently your souls must part your bodies –
With too much urging your pernicious lives,
For 'twere no charity; yet, to wash your blood
From off my hands, here in the view of men
I will unfold some causes of your deaths:
You have misled a prince, a royal king,
A happy gentleman in blood and lineaments,
By you unhappied and disfigured clean;
You have in manner with your sinful hours
Made a divorce betwixt his queen and him;
Broke the possession of a royal bed,
And stain'd the beauty of a fair queen's cheeks
With tears drawn from her eyes by your foul wrongs;
Myself -a prince by fortune of my birth,
Near to the King in blood, and near in love
Till you did make him misinterpret me-
Have stoop'd my neck under your injuries
And sigh'd my English breath in foreign clouds,
Eating the bitter bread of banishment,
Whilst you have fed upon my signories,
Justice sommaire s'il en est, et pourtant le spectateur semble invité à s'intéresser à autre chose, à cette faute commise par ces hommes, celle d'avoir fourvoyé le roi, de l'avoir induit en erreur jusqu'à lui faire perdre tout visage. Par prudence Shakespeare ne s'aventure pas plus loin ; au spectateur averti de décrypter le message, car ainsi désignés à la vindicte populaire, non seulement l'usurpateur, mais également le courtisan corrompu, sans foi ni loi, retranché dans leur microcosme, ont trahi ; ils ont rompu l'unité sociale, qui, de ce fait, a vécu. Pourquoi alors, pourrait-on ajouter, accepter sans contrepartie tous les sacrifices ? Pourquoi subir sans résister des limitations aux libertés essentielles, puisque l'Ordre est bafoué et la Hiérarchie reniée ? Rien ne peut plus s'opposer aux heurts, aux conflits, aux affrontements qui vont se donner libre cours puisque n'existe plus de légitimation morale à ce qui est devenu le Pouvoir.
Dans les trois volets d'Henry VI, Shakespeare fustige non seulement les soldats pilleurs mais surtout leurs chefs. Le sacrifice de Talbot," la terreur des Français ", et de son fils, morts tous les deux sur le champ de bataille, n'acquiert sa vrai dimension que dans la mesure où il illustre les dissensions entre les nobles eux-mêmes. Innocentes victimes de la haine qui dresse York contre Somerset, Talbot et son fils symbolisent toute l'Angleterre, déchirée par l'ambition démesurée et la lutte pour le pouvoir de quelques grandes factions. La fronde des grands barons a toujours été malmenée par Shakespeare. Faiseurs et défaiseurs de rois, ces barons mettaient constamment en danger l'unité nationale. Dans les deux parties d'Henry VI, Shakespeare présentera un prince habile qui, à défaut de légitimité politique, s'appuie judicieusement sur l'aristocratie juste le temps d'affermir sa main mise sur le pouvoir pour se retourner ensuite contre elle, et dénoncer ses abus, sa cupidité et son égoïsme de clan.Dans 2 Henry VI, les griefs et les complaintes du peuple n'ont pas été formulés par le chef des rebelles, Jack Cade, mais par un noble soldat, ce capitaine qui arrêta l'aristocrate corrompu, Suffolk, et qui lui trancha la tête. Dans son violent réquisitoire, il cite tous les abus et tous les crimes dont cet aristocrate -ainsi que ses pairs- se sont rendus coupables, à savoir : la perte des territoires de France, l'assassinat du bon duc Humphrey, les lourdes charges fiscales, la corruption qui sévit au sein du gouvernement et de ses représentants C'est peut-être là la réponse du moraliste qui voudrait légitimer l'esprit de révolte susceptible de se manifester parfois chez les sujets les plus loyaux, et en premier lieu les militaires, mais une chose est sûre : c'est précisément dans la 2e partie d'Henry VI que Shakespeare souligne avec force le corollaire de la monarchie de droit divin : discréditer les rébellions et les soulèvements générateurs de désordres, et justifier, du coup, la violence exercée au nom de la loi, dans la légitimité constitutionnelle. L'échec de Jack Cade, le chef des rebelles, et l'inanité de son entreprise percent dès la première scène. A aucun moment Shakespeare ne permit aux insurgés de justifier sérieusement leur cause. En prenant soin de présenter leur chef dès la première apparition sous les traits d'un misérable imposteur, il ne voulait certainement pas conférer à ce personnage la stature imposante d'un responsable. Jack Cade n'est qu'un vil roturier aux idées fumeuses, à la tête d'une abominable jacquerie, un aventurier sans scrupules qui aurait été, selon les dires de son compagnon, Dick le boucher, fouetté " trois jours de suite sur le marché " et " brûlé à la main " pour avoir volé des moutons.
Donc, apparemment, pour la censure du moins, Shakespeare semblait n'éprouver aucune sympathie pour ce rebelle. D'autant plus que la vieille conception de la rébellion devait certainement prévaloir à cette époque : tout acte de rébellion est condamnable en ce sens qu'il n'est qu'une séquelle du péché originel et de la déchéance humaine en général. Plusieurs études ont été faites à ce propos et notre intention n'est pas de les développer ici. Contentons-nous de dire que Shakespeare, qui n'était pas sans ignorer l'importance des intrigues et des rébellions qui se tramaient de son temps, cherchait dans cette pièce à emporter la conviction, du moins sur ce problème précis, à savoir la rébellion ; aussi ne se fit-il aucun scrupule pour déformer l'histoire anglaise à sa façon, et attribuer à Jack Cade certains actes répréhensibles commis en réalité un siècle plus tôt par un autre rebelle, le fameux Wat Tyler.En effet, Shakespeare habilement passe sous silence certains détails historiques révélateurs : Cade, cet Irlandais sans fortune, qui prétendait être un Mortimer- un soldat a été pendu pour l'avoir simplement appelé Cade- avait néanmoins réussi à rassembler autour de lui plus de 20.000 hommes. Cette armée, contrairement à ce qu'avait rapporté le messager d'Henry VI, n'était pas " a ragged multitude of hinds and peasants, rude and merciless ", avides surtout de pillages ; le gros des insurgés était formé par les yeomens et les artisans, appuyés par plus de cent gentilshommes ainsi que deux très grands propriétaires du sud de l'Angleterre, c'est dire une mosaïque représentative du mécontentement général ressenti alors dans ce pays contre les autorités en place ; d'ailleurs ces rebelles vinrent très facilement à bout des troupes royales à Sevenoaks après que le Privy Council eut rejeté la fameuse " Complainte des Communes de Kent ", où Jack Cade réclamait un certain nombre de réformes administratives et économiques et dénonçait violemment la corruption qui sévissait à la Cour.Dans King Lear, l'une des pièces les plus sombres de son répertoire, Shakespeare fait dire à Albany: If that the heavens do not their visible spirit
Send quickly down to tame these vile offences
It will come,
Humanity must perforce prey on itself,
Like monsters of the deep.
Ces paroles traduisent un sentiment d'inquiétude et d'angoisse qui prévalait bien avant Shakespeare. La maturité de la conscience sociale qui commença à percer au début du XVIe siècle est en grande partie à l'origine de cet état d'âme qu'on a trop tendance à confondre avec le " contemptus mundi " du Moyen Age. Dans The Tide Tarrieth no Man de George Wapull ainsi que dans Enough is as Good as Feast, de Wager, l'accent porte essentiellement sur la méchanceté de l'homme, son envie, sa haine, et son avarice vis-à-vis de ses semblables. Dans l'oeuvre de Thomas Starkey Dialogue Between Pole and Lupset, écrite en 1530, Thomas Lupset réfute l'opinion du primitiviste Reginald Pole et assure que le désordre n'est pas l'apanage de la Cité puisqu'il a été apporté sur terre par l'homme et l'homme seul.
Cette prise de conscience, cette découverte que l'homme n'est point un frère mais un loup pour l'homme est significative dans la mesure où elle nous permet de comprendre cette monopolisation progressive du pouvoir, son caractère autoritaire. Or la théorie de l'ordre établi de droit divin, son corollaire, la monarchie et son caractère absolu, clef de voûte de l'univers, fondement de la politique d'alors, qui justifie tout, y compris l'arbitraire, tire en réalité ses origines profondes de ce besoin inné de permanence d'un pouvoir rassurant, plutôt que de ce sentiment de culpabilité , de besoin d'un guide matériel et moral, enraciné au coeur des croyants, y compris, bien sûr, des élisabéthains : sentiment qui assimilait la violence du Pouvoir à un juste châtiment divin, selon les préceptes religieux admis depuis le péché originel.
Mais l'Homme est homme, nous le savons, c'est-à-dire un être faible, soumis à de multiples passions qui rendent sa conduite bien décevante pour celui qui a la charge de le guider sur la voie de la sécurité ou du bonheur, Roi ou Dieu. Parce qu'ils sont capables de s'entredévorer, les hommes ne peuvent cohabiter sans heurts; ayant peur des uns et des autres, ils sont naturellement conduits à ressentir le besoin d'être protégés. Et c'est précisément ce besoin qui va contribuer à faire établir et accepter le Pouvoir, seul rempart contre la violence inhérente à la nature humaine et qu'il faut défendre et consolider, donc servir.
" La volonté d'être libre, écrit B. de Jouvenel, s'éteint en cas de péril et se ranime une fois satisfait le besoin de sécurité ". Pour Shakespeare et ses contemporains, ce besoin de sécurité était loin d'être satisfait, bien que, par rapport aux autres pays de l'Europe, l'Angleterre fût alors un havre de paix sociale. Londres était probablement le paradis des hommes en marge de la loi. Des réseaux bien structurés assuraient une immunité presque totale aux malfaiteurs recherchés par les autorités. Certains de leurs fiefs, comme Southwark, Whetstone Park, ou Saint Martins, étaient pratiquement assurés de l'inviolabilité. L'insécurité était partout, dans les bouges et dans les tripots, dans les marchés, les théâtres, les églises et même les tribunaux. Le même climat d'insécurité régnait à la campagne où , à la foule des gueux et des mendiants fuyant les rigueurs des "Poor Laws" , s'ajoutaient de nombreux paysans ruinés par les 'enclosures' , et soldats licenciés, donnant souvent naissance à des bandes de brigands redoutables , dans le nord du pays notamment. Les cris d'alerte fusaient de toutes parts; on multipliait les écrits et les pamphlets mettant en garde les honnêtes gens contre les 'Black arts". C'est à qui dénoncera avec le plus de vigueur la corrélation entre vagabondage et larcin, saleté et maladie, intempérance et luxure.
On crut, pourtant, un moment,vers la fin du règne d'Elisabeth, que cet idéal d'unité sociale, capable d'éliminer le sentiment d'insécurité, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, était enfin atteint. L'appartenance au groupe avait été, en effet, cimentée par les épreuves communes. Contre l'envahisseur étranger -en l'occurrence l'Espagne -le peuple anglais s'était dressé comme un seul homme, derrière sa reine, et l'avait mis en déroute. Unanime, il se dressera encore, contre l'ingérence du pape et ses visées sur l'Angleterre. Ces sursauts de patriotisme national ne manquèrent pas de souligner, aux yeux des Anglais, l'importance de l'entité sociale. Bien structuré, bien gouverné par un puissant souverain, le groupe devenait indestructible, et pour cela, ils étaient prêts à payer le prix car ils n'ignoraient pas que toute unité sociale, solide, exigeait des sacrifices et des limites à la liberté d'action de l'individu.Par exemple, Shakespeare n'ignorait pas les pratiques peu recommandables du pouvoir pour renforcer ses troupes et armer ses navires, surtout durant la période cruciale du conflit espagnol. Les jours de fêtes religieuses, surtout Pâques, étaient l'occasion, pour les sinistres "press-gangs" à la solde de la reine Elisabeth, d'envahir les églises pour mettre la main sur des recrues réticentes. Cette méthode de recrutement n'était un secret pour personne et Shakespeare ne se fit pas faute de l'évoquer à plusieurs reprises dans sa fresque historique, notamment dans Henry IV et Henry V (IV,i), mais d'une façon neutre, voire froide, comme si de rien n'était. Par contre c'est avec mépris qu'il dépeint la soldatesque et ses exactions. Si le métier des armes a complètement transformé le prince Hal, il n'en est pas de même pour Falstaff qui se cache en pleine bataille et contrefait le mort. Cupide, il accepte la proposition de Bardolph et ne recrute que de pauvres hères dont il a lui-même honte. Bien que les actes de violence et de pillage perpétrés par les troupes soient monnaie courante, Falstaff ne mentionne que de menus larcins. Et pourtant Bardolph sera pendu pour avoir pillé une église; Nym subira également le même châtiment. Quant à Pistol, le troisième larron de la Tête de l'Ours, promu entre-temps capitaine, il compte retourner au pays pour s'adonner au brigandage.L'évocation de la bataille de Towton dans 3 Henry VI permet à Shakespeare de décocher sa flèche habituelle contre la tyrannie des gouvernants pour qui la vie de leurs sujets pèse peu, dès lors qu'il s'agit de problèmes personnels. Adroitement, en évitant d'égratigner le principe monarchique, Shakespeare présente d'abord les motifs qui ont conduit à cette guerre civile : ils découlent d'une seule source : la lutte pour le pouvoir, non entre Henry et Edward, les prétendants au trône, mais entre les vrais antagonistes, la reine Margaret soutenue par Clifford, et tous les membres de la famille d’YorK. La longue scène réunissant les deux factions avant la bataille, réduit l'enjeu, comme dans King John à une simple querelle de famille, où tous les membres s'invectivent à tour de rôle. Ce n'est qu'à la fin que Shakespeare lui confère ses véritables dimensions. Edward, emporté par la colère, s'était écrié à l'adresse de Margaret :
No, wrangling woman, we'll no longer stay;
These words will cost ten thousand lives this day.
Bien que la bataille de Towton ne marque pas une date importante dans l'histoire anglaise et qu'elle ne détermine aucun changement notable dans la situation des belligérants, on saisit assez bien l'orientation d'ensemble des divers tableaux qui la représentent. Plus qu'un souci de plaire à un public avide de sensations fortes, plus qu'un souci d'exactitude historique, c'est une question morale inspirée par l'ineptie des dirigeants et l'horreur de la guerre civile qui semble avoir poussé Shakespeare à défendre ces scènes sanglantes. En effet, le roi Henry, que Clifford et la reine Margaret avaient, pour ainsi dire, obligé à se taire au cours des pourparlers avec Edward et ses frères, s'éloigne du champ de bataille pour méditer sur les avantages d'une vie champêtre:
Ah, what a life were this! how sweet! how lovely!
Gives not the hawthorn bush a sweeter shade
To shepherds looking on their silly sheep ,
Than doth a rich embroider'd canopy
To kings that fear their subjects' treachery?
O yes ,it doth; a thousand-fold it doth.
Cette vision banale, ces clichés, flattaient la sensiblerie des spectateurs élisabéthains ; car qu'attend , en général, la grande masse du public sinon un certain accord avec le personnage central ? Henry VI est malgré tout un modèle sinon à imiter , du moins à prendre en pitié , non à condamner; être faible, indécis, mais doux et généreux, il a horreur des guerres et des divisions stériles. Lorsque Gloster, le futur Richard III, viendra l'assassiner dans la Tour, il fera preuve d'un courage et d'une grandeur d'âme digne de son rang. Que Shakespeare ait visé à cet effet facile, personne ne peut l'en blâmer. Nous connaissons le genre de public auquel il avait affaire et il était tenu de le satisfaire, mais par delà la sympathie trop évidente, il vise une sorte de dépassement , de purification de la situation: il ne s'agit pas d'Henry VI mais de ce qu'il représente: le concept transcendant qui fonde la politique. Le roi , qui tire son pouvoir de Dieu est également responsable devant Dieu; c'est précisément l'unique raison pouvant justifier l'arbitraire. A-t-il donc également le droit de se complaire dans des lamentations stériles alors que devant lui tout un peuple se dévore et s'entretue?
C'est dans Richard II que Shakespeare propose indirectement la réponse; elle vient tour à tour, par la bouche d'un religieux, l'évêque de Carlisle:
"My lord, wise men ne'er sit and wail their woes
But presently prevent the ways to wail
Puis par celle d'un jardinier:
"O, what pity is it
That he had not so trimm'd and dress'd his land
As we this garden.
Tant il est vrai que l'effacement, l'incompétence du pouvoir n'engendre que ruine et destruction.Dans les deux volets de Henry IV le tableau que nous offre Shakespeare de ce souverain est, à bien des égards, fort sympathique. C'est un monarque qui allie le sens de la politique à celui, plus subtil, peut-être, de la religion, qui manie le discours politique, qui sait quand il faut frapper et quand il faut faire preuve de générosité et de mansuétude.
On peut toutefois se demander si ces qualités, si cette capacité de décision et d'exécution chez Henry IV ne découle pas en fait d'un certain" complexe de légitimité ". Son appel à la croisade adressé à ses belliqueux barons, ne révèle-t-il pas, en fin de compte, la fragilité de ses droits à la couronne? Shakespeare se garde bien d'évoquer ouvertement la légitimité du pouvoir; même dans Le Roi Jean il ne l'évoque qu'en termes voilés, car, qu'elle soit "de jure " ou " de facto ", peu importe: l'Histoire se répète et Shakespeare ne prétend pas réformer quoi que ce soit: Henry IV, l'usurpateur, viendra à bout des rebelles ; Hotspur succombera à Shrewsbury; Worster et Vernon seront condamnés à mort ; Mowbray,
l'archevêque Scoop et ses alliés écossais seront vaincus et leur troupes mises en déroute. Cependant grâce à son art de l'ambiguïté, ce dramaturge est arrivé néanmoins à délivrer son message puisqu'il a réussi une double énonciation de la théorie du pouvoir divin: la chute d'un monarque n'implique pas seulement l'intervention d'un sauveur providentiel, comme l'enseigne l'école tudorienne à propos de Richard II et Richard III, par exemple; elle implique aussi les conséquences néfastes d'une désobéissance à l'autorité divine. C'est là un enseignement traditionnel, qui remonte au Moyen-Age, au moment où l'Eglise convoitait le pouvoir temporel et lançait l'idéologie de la "Paix de Dieu" ; ce qui, par conséquent, met Shakespeare à l'abri de toute censure.
Dans Henry V, pièce consacrée au roi-guerrier le plus célèbre d'Angleterre, Shakespeare prit garde de ne pas oublier le culte qui a enveloppé le souvenir de ce monarque et ses exploits considérablement déformés par la légende. A l'issue de la décisive bataille d'Azincourt, les Anglais ne comptent que vingt cinq morts dans leurs rangs mais les Français dix mille et le roi Henry V de conclure: "O God, thy arm was here !
And not to us, but to thy arm alone,
Ascribe we all. ".
Et pourtant - et c'est là que la lecture oblique est requise- ce roi , devenu du coup si pieux, qui bénit le ciel pour sa divine intervention avec tant de ferveur, n'avait pas hésité, sur une simple fausse alerte, à laisser ses soldats assassiner des centaines de prisonniers sans défense. Il va même jusqu'à affirmer qu'un roi n'est nullement responsable, ni de la mort de ses soldats ni même de leurs exactions:"The King is not bound to answer the particular endings of his soldiers, the father of his son, nor the master of his servant; for they purpose not their death when they purpose their services. Besides there is no king , be his cause never so spotless , if it come to the arbitrement of swords , can try it out with all unspotted soldiers ."

Du reste qu'est ce qu'une guerre, sinon un fléau de Dieu, un huissier envoyé par le Ciel, destiné à suppléer la justice royale, à châtier les criminels qui échappent à son bras ? Bref une sorte de Némésis, rétablissant le cours normal de la société.
Ces divagations à la gloire de la guerre ne trompent personne. Henry V s'inscrit dans la série des "chronicle plays" qui a déferlé à la fin du règne élisabéthain et qui traduisait le désir d'unité qui animait les Anglais à cette époque. Or la guerre des Deux-Roses est de loin la plus fascinante, la plus tumultueuse et aussi la plus sombre de leur histoire. Il se peut que Shakespeare, en la choisissant, ait pensé à établir des parallèles et suscité des comparaisons avec la situation contemporaine. Une certaine nostalgie pour les territoires perdus d'outre-Manche, ajoutée à un sentiment patriotique aiguisé par les victoires d'Elisabeth, sont perceptibles tout au long de l'oeuvre. Mais dans tous les cas, il est certain que ces drames historiques ont fourni à notre dramaturge une occasion idéale pour fustiger les divisions et les conflits qui avaient déchiré l'Angleterre durant trois siècles.
Que dire en conclusion, Si l'oeuvre du grand dramaturge ne ressemble en rien aux écrits séditieux d'aujourd'hui, elle n'est pas pour autant inoffensive pour celui qui sait lire entre les lignes. " Shakespeare, disait, André Maurois, a connu tous les âges et peint toutes les passions de l'homme; chacun de nous se retrouve en ses personnages ". Cachée derrière ces expositions souvent cruelles, qu'on critique aujourd'hui, derrière ce qui pourrait bien, parfois, être compris comme une acceptation, voire une apologie des régimes totalitaires, demeure posée l'éternelle tragédie de l'homme, de tous temps agresseur agressé, victime et bénéficiaire de la violence d'Etat.



Roman de Mouloud Mammeri (Algérie, 1917-1989), publié à Paris chez Plon en 1952.

Synopsis
Le roman, raconté pour l’essentiel du point de vue du personnage principal, Mokrane, qui tient son journal, relayé par une narration à la troisième personne vers la fin, évoque la vie dans un village de Kabylie, Tasga, pendant le Seconde Guerre mondiale, où la jeunesse se divise en deux clans — les évolués, «ceux de Taasast», et la bande de Ouali, joyeux lurons qui organisent des «sehja», soirées de chant et de danse. Le récit suit, linéairement, l’amour de Mokrane, du clan de Taasast, pour Aazi, son mariage et la répudiation de la jeune femme en raison de sa stérilité. Menach, l’ami de Mokrane, est quant à lui amoureux de Davda, mariée au rustre Akli. Les hommes sont mobilisés pour la guerre, et partent pour le front. Mokrane, isolé, désespéré depuis que, sous la contrainte sociale, il a dû répudier son épouse, part dans la montagne où il meurt de froid et d’épuisement, au moment même où Aazi doit lui apprendre qu’elle est enceinte.

Critique
Mouloud Mammeri a été violemment attaqué par les intellectuels nationalistes pour sa vision qualifiée de folkloriste de l’Algérie, qui, loin de présenter les luttes pour le progrès, l’indépendance, décrivait une société soumise aux traditions et indifférente aux préoccupations politiques. Il est vrai que, dans le roman, les hommes vont jusqu’à s’identifier à la France dans le combat contre l’Allemagne, ainsi que le suggère le narrateur, Mokrane, dans la première partie: «Nous admirions l’efficacité de la ligne Maginot quand elle était déjà tournée, nous nous révoltions avec notre informateur de la félonie des Belges quand les Allemands étaient en France et plaignions Amiens au moment où déjà Paris capitulait.» À telle enseigne que, dans son deuxième roman, le Sommeil du juste (1955), Mammeri a voulu engager ses personnages dans la lutte pour l’Indépendance.

C’est que le roman, dans l’ensemble, vise un propos qu’on a pu qualifier d’«ethnographique». Mammeri, devenu depuis lors professeur de langue et de civilisation kabyles à l’université d’Alger, recueille — à destination d’un public parisien — les traditions d’un monde qui disparaît lorsque la guerre introduit la vie moderne. Le roman s’ouvre ainsi sur un glossaire des mots kabyles (ou, plus rarement, arabes) utilisés. Il est à cet égard significatif que la culture des Kabyles soit constamment opposée à celle des Arabes de la plaine, auprès de qui on va acheter du blé; ainsi du thème de l’«honneur» qui revient fréquemment — «Meddour n’a plus rien gardé de l’honneur kabyle» —, de sorte que les Arabes sont rapprochés des chrétiens européens, les «Iroumien»: «Mais la coutume heureusement veille, car où serions-nous s’il n’y avait dans notre montagne des hommes pour faire respecter la justice et payer l’injustice? Nous serions comme les Iroumien et les Arabes: tout nous serait permis.» Cette opposition passe évidemment par la langue. Ouali, du clan des pauvres, est parti à la poursuite d’Ouelhadj, qui avait attenté à son honneur, mais, sorti du village, il a été gêné par le fait qu’«il ne savait pas un mot d’arabe alors que ce diable d’Ouelhadj, avec son air lourdaud, le parlait comme si c’était la langue de sa mère». C’est ainsi tout naturellement en français qu’Aazi a écrit une lettre à son mari Mokrane, pour lui demander de revenir.

La permanence de la société kabyle est signifiée par son attachement à la nature, à la «terre», et sans doute n’est-il pas fortuit que le titre rappelle la Colline inspirée de Barrès. La vie est ici dictée par le rythme des saisons: lorsque la neige survient, les personnages attendent le printemps pour repartir, et c’est précisément dans la neige que meurt Mokrane; Menach, quant à lui, a failli se noyer dans la rivière, qui joue un rôle essentiel dans la vie du village. Nombreuses sont les descriptions lyriques du paysage, dont la rudesse est constamment rappelée, de sorte que, dans une vision animiste, les éléments — le vent, la pluie, la neige, le soleil — participent pleinement à l’action comme des êtres animés: «Un vent furieux s’acharnait sur les fenêtres, sifflait sous la porte. On entendait çà et là un bris de tuiles arrachées aux toits. J’allais fermer les volets. Coupé par le tranchant aigu des lames de persiennes, le vent faisait: hou... hou... en passant à travers. Puis il cessa. De gros grêlons battirent les tuiles à coups irréguliers avant d’aller rebondir au sol ou sur le balcon. Le ciel se déversa d’un coup et en un instant des trombes d’eau firent ruisseler toutes les gouttières. Le vacarme dura bien une demi-heure puis, comme sous la baguette d’une fée, la pluie et le vent cessèrent; les nuages restèrent comme figés au haut du ciel.»

Les personnages vivent selon un mode de vie collectif — même Mokrane, qui tient son journal intime, n’a d’existence que par rapport aux structures familiales et sociales (la bande de Taasast) —, sous l’autorité du chef de clan, comme l’atteste, stylistiquement, l’omniprésence d’un «nous» inclusif, dès l’ouverture du roman: «Le printemps, chez nous, ne dure pas.» Et le village tout entier vit en symbiose avec la nature sur le mode de la participation, au rythme des saisons, des récoltes et des moissons. La religion elle-même, représentée par le marabout qu’Aazi va voir pour vaincre sa stérilité, reste étroitement liée aux anciens rites sacrificiels: si Aazi est stérile, si le village est frappé de la malédiction de la guerre, c’est qu’a été oublié le rite du timechret, sacrifice de moutons. Au-delà du régionalisme dont on a pu accuser Mammeri, c’est de la spécificité de la culture kabyle que traite en somme la Colline oubliée.

l'élève et la leçon



Dans L’élève et la leçon, il fait dire à l’un de ses personnages : " L’histoire a voulu que j’aie toujours été à cheval sur deux époques, sur deux civilisations. " Cette attitude révèle chez l’auteur la conscience de l’acculturation ; il s’agit pour lui d’assurer lucidement cette double appartenance. “Ainsi, le conflit provoqué par le choc des deux cultures frise l’angoisse", estime le quotidien El Watan. Les personnages de Malek Haddad sont des intellectuels qui rendent hommage aux militants et aux combattants et honorent les martyrs. Ses héros se sentent exilés au milieu des leurs, séparés de leurs parents par la barrière de la langue et la culture. Désillusionnés, il s’impose alors à eux une vaste quête de la personnalité, la recherche d’un moi enraciné dans l’histoire et projeté vers un avenir meilleur, "l’espoir d’un nous national, intégré dans le concert universel ". En ce sens, même s’exprimant en langue française, les écrivains algériens d’origine arabo-berbère traduisent une pensée spécifiquement algérienne. "Puisqu’il y a un problème, il doit y avoir une issue. Mais qu’on ne se fasse pas d’illusions, si nous sommes l’explication de ce problème, nous n’en sommes pas la solution... Notre utilité est indiscutable : nous resterons comme des leçons. Je crois surtout que nous sommes et serons des exemples typiques du gâchis et de l’aberration coloniale", soulignait le poète à propos de la problématique des langues. S'il y a un hommage à rendre au poète, c'est simplement de le lire ou de le relire.

Dans ce roman, le narrateur ne se dédouble pas comme dans le récit précédent, mais par un autre procédé ; le « je » n’es pas un écrivain, mais le Dr Idir Salah.
Il vit en France et sa fille vient le voir pour qu’il l’aide à interrompre sa grossesse et à caché son fiancé, recherché par la police française. Deux récits s’entrecroisent également, celui de la confrontation du père et de la fille- confrontation entraînant un récit dans le récit, sa vie antérieure en Algérie et son premier amour « français » germaine-, et celui de la mort d’un ami chirurgien, le Dr Coste.

Le dialogue attendu entre le père et la fille a l’allure d’une alternance de monologues répliques entendues du dehors pour fadila, dont jamais le narrateur ne sondera les pensées secrètes ; monologue intérieur du Dr Idir, qui fait du lecteur son complice. Ainsi l’autojustification se fait envahissante, le narrateur s’accusant avant que sa fille ne l’accuse, acceptant avec dérision et ironie l’image qu’il donne de lui-même : « je ne suis qu’un vulgaire égoïste sans conscience nationale et sans conscience du tout.[…]
Lorsque sa fille le brave pour l’acculer à une réponse, il se tait et songe : « l’insolence a franchi la frontière de l’injure.
Mais, de façon surprenante, il a foi, malgré tout, dans la génération de demain : « la parole est aux fadila. » le seul vrai drame est celui de la culture du tragique de la perte et du dilemme d’un écartèlement : « je suis occidentale en apparence. En apparence seulement […], j’aurai toujours rêver de rêver, c’est-à-dire d’écrire. Je suis sans doute un médecin valable. J’aurais été un piètre écrivain. Dieu ne m’a pas fait poète. » Et plus loin, il avoue : « en vérité, je crois n’a voir jamais été à ma place. Je me suis trompé d’époque. »

Exposé sur la Mésopotamie





















La Mésopotamie est un terme qui désignait le pays entre les deux fleuves (tigre et l’Euphrate), cette définition conclut aussi bien les civilisations qui ont succéder dans cette région.

On connaît de ces grandes métropoles : la civilisation Sumérienne, Akkadienne, Babylonienne et Assyrienne.

Ainsi, la Mésopotamie est le lieu de rencontre de plusieurs cultures et de tradition d’ou on aura l’invention de l’écriture cunéiforme et le code de Hammourabi qui concerne la famille, la vie en ville, l’économie et la propriété, c’est 282 lois sont écrites sur une grande stèle en pierre noire qui se trouve au musé du Louvre ainsi, que les sceaux cylindriques qui étaient utilisaient depuis 3000 Av. JC à Uruk, Susse, et dans l’Iran ancien.
Mais, ce qui nous importe dans cette introduction, c’est de traiter une de ces grandes civilisations qu’est aussi riche par sa culture (qu’on va évoquer l



I.Aperçu historique sur les civilisations de la Mésopotamie :

La civilisation Sumérienne :

En 5000 Av. JC, les sumériens, peuple de paysans, s’installent dans le sud de la Mésopotamie.
Ils ont appris à utiliser l’eau des fleuves pour irriguer leurs champs et cultivé du blé, de l’orge, des dattes et des légumes.
La première cité qu’ils ont bâtie c’est Ourouk, situé prés de l’Euphrate en 3100 Av. JC. Et en 2900 Av. JC, c’est l’invention de l’écriture cunéiforme (c’est une écriture avec des caractères en forme de coins), et de la roue comme moyen de transport.
Les sumériens étaient des grands musiciens.

La civilisation babylonienne :

Babylone est un terme qui désignait probablement un bosquet, c’est Hammourabi qui fait de la ville la capitale politique et religieuse de la plaine alluviale.
Le nom s’écrit alors Ka. Dingira, à lire babili c’est-à-dire « la porte des dieux », aujourd’hui, il ne reste presque rien.
On connaît de cette civilisation perdue quelques vestiges tels que la tour de Babel et les jardins suspendus.
Ainsi, que des grandes portes telles qu’Ishtar et Marduk.

Vers, 1900 Av. JC, les Amorrites ont envahi la Mésopotamie.
Ce peuple venu de Syrie, récoltait de l’avoine élevait des moutons et des chèvres et pratiquait l’artisanat.
Les Amorrites ont fait de la ville de Babylone, située au bord de l’Euphrate leur capitale.
Babylone était une cité raffinée et un grand centre pour les sciences et la littérature, on y étudiait l’astronomie et les mathématiques.
Ils furent de grands géographes, on connaît la carte du monde gravée sur une pierre, celle-ci indique les pays connus entourées des mers et au centre se trouve Babylone prés de l’Euphrate et qui montre le monde comme une surface plate.
La civilisation Assyrienne :

Ce sont des nouveaux venus en Mésopotamie, ils occupent depuis longtemps la vallée du haut Tigre, ils sont célèbres en tant que marchands et aussi des guerriers car, c’est grâce à la guerre que les Assyriens vont connaître l’apogée et l’éclairage de leur civilisation.



II.L’organisation politique et sociale :

L’aspect politique :

Les rois Mésopotamiens gouvernaient le pays aux noms des dieux mais, sous l’empire Assyrien, quand les rois portaient le titre des rois de l’univers, ils continuaient d’affirmer qu’ils étaient responsables devant les dieux du bien être de leur peuple.
Ainsi, le monarque joue un rôle central dans ce culte national par le rapport qu’il entretient avec le dieu et qui lui communique ses décisions, cette pratique et mise en évidence lors de la cérémonie du couronnement.
Le roi est le représentant de dieu sur terre, il incarne une force moral, c’est le juge suprême.

Pour un assyrien, le monde ne peut être autre chose que le domaine du dieu national homonyme, Assur qui d’après l’histoire « c’était le grand dieu des Assyriens, on dit qu’il choisissait les rois d’Assyrie et qu’il les assistait pendant les batailles, il est souvent montré avec la même coiffe ornée de cornes qu’Enlil, le grand dieu des sumériens, il est parfois figuré debout sur un taureau ailé ou sur un dragon serpent comme Marduk le dieu de Babylone ».

L’aspect social :

a. Les hommes libres :

La société assyrienne est composée d’hommes libres (Awilou), des serfs et des esclaves.
Les citoyens se partagent en trois catégories : les propriétaires fonciers ou terriens, la bourgeoisie urbaine et les petits paysans.
Les deux premiers ont su comment se profiter de l’élargissement de l’empire en mettant la main sur les terres.

b. Les serfs :

Ceux-ci assujettis à l’impôt et aux crevés astreints au devoir militaire supportant seuls les poids des guerres incessantes.

c. Les esclaves :

Se sont les prisonniers de guerre et les ouvriers endettes, ils constituent des biens qu’on peut échanger et vendre.
Mais, les esclaves conservent une personnalité juridique et ils peuvent contracter mariage avec des personnes de condition libre et peuvent posséder des biens et ester en justice.
L’empire Assyrien est une vaste entreprise d’exploitation des ressources des vaincus les pays conquis sont intègres et transformés en provinces ou des Etats vassaux.
Les impôts étaient obligatoires aussi bien pour les Assyriens que pour les peuples des territoires conquis, ils consistaient en céréales, en chevaux, en bétails et en vin.

III. L’Essor urbain :

a. l’urbanisation :

Le phénomène urbanistique dans la civilisation Assyrienne s’est manifesté à travers les fouilles archéologiques.
Les Assyriens habitaient dans des maisons à étages, ces derniers ont été faites par des briques de terre séchée avec de la boue argileuse et de la paille mélangée à de l’eau car, la paille empêche la brique de se fendre.
Les assyriens étaient connus aussi par leurs grands édifices architectural tels que les deux palais, l’un qui se trouve à Nimrud et l’autre à Ninive (dont on connaît la célèbre bibliothèque).
Les palais étaient construits en briques de boue séchée.

Ainsi, les palais étaient souvent entourés des jardins exotiques.
En 970 Av. JC, à Nimrud, le roi Assurnasirpal fut très fier de planter
Un assortissement de graines ramenées de ces compagnes militaires,
il y’ avait des vignes, des noyers et des arbres fruitiers.

Il écrivait : « les grenades scintillent de bonheur dans mon jardin
Comme les étoiles dans le ciel, les plantes rivalisent de senteurs, les
Sentiers sont bien gardés et, il à suffisamment de canaux pour arroser
Chacune d’elle ».

Cette période qu’on nommait Néo-Assyrienne à connue un grand
Développement dans l’utilisation des métaux, le cuivre et le bronze
Etaient utilisés en grandes quantités pour faire des armes, des
Armures et des bijoux.
En effet, les souverains Assyriens apprécièrent l’ivoire, ils le meublaient
Leurs palais.
Mais, peu d’objets se sont parvenus aux archéologues parce que en 1840,
Henri Loyard retrouve à Nimroud une partie d’un trône en ivoire.
Le roi Sennachérib utilisait des pattes de lion en bronze et pesant
Plusieurs centaines de kilos pour soutenir les piliers en bois de son
Palais à Ninive.
Ainsi, les portes des palais étaient flanquées de génies monumentaux destinés
A écarté les forces du mal et pour apprécier les visiteurs.

b. L’agriculture :

La Mésopotamie est un pays principalement agricole grâce aux deux fleuves le
Tigre et l’Euphrate.
Les Assyriens construisaient des Chadoufs qui sont des machines élévatoires
Et des aqueducs qui sert à amener l’eau jusqu’aux villes afin de répondre à
L’augmentation de la population (c’est le cas des gallo-romains qu’après la
Romanisation de la gaule furent construire des aqueducs).

Ces derniers ont été construits par le roi assyrien Sennachérib qui régna entre
704 et 681 Av. JC, il avait creusé un canal de 10km mentant de la montagne à
Ninive et, il construisait des digues et des barrages pour contrôler les crues.

c. Le commerce :

Les Mésopotamiens étaient très entreprenants, ils voyageaient sur langues
Distances pour ce procuré des marchandises dont, ils avaient besoin, ils
Importaient des métaux, des pierres semi-précieuses et du bois pour la
Construction des palais (le cèdre qu’on apportait de la Phénicie) et de l’ivoire
(De l’inde).
Vers 2000 Av. JC, les Assyriens utilisaient un vaste réseau de commerce
Jusqu’en Anatolie (Turquie moderne).

La direction de l’entreprise était à Assur, ils existaient des comptoirs
Commerciaux tel que kanesh, ce dernier à été fouillé par des archéologues ; les
Nombreuses tablettes en argile qui ont été trouvés comportaient beaucoup de
Lettres d’affaires, d’après ces lettres, il apparaît que les princes anatoliens
Etaient les principaux clients des marchands assyriens.

L’argent n’existait pas en Mésopotamie et les marchandises étaient payées en
Argent métal, il était évalué en shekels et chaque shekel équivalait à environ 8
Grammes d’argent.

Il fallait que la balance soit exacte afin que la personne qui achetait ne soit pas
Lésée.

Conclusion :

Le plus grand nombre des informations que nos ancêtres, nous on laissés reviennent à l’écriture.
Ainsi, il faudra dire aussi que les fouilles archéologiques nous on permit de reconstituer la vie des civilisations perdus.

Les mots clés :

Avoine : c’est une céréale qui sert surtout à l’alimentation des chevaux.
Marduk : le dieu de Babylone selon la mythologie Babylonienne : « Marduk parvint à créer le monde, il se bat contre un monstre femelle Tiamat et son fils Kingu.
Après, les avoir tués Marduk est proclamé roi par les autres dieux, il crée ensuite le reste du monde, il façonne les humains on mélangeant de l’argile avec le sang de Kingu, puis leurs donnent la vie ».

Les jardins suspendus : selon la tradition on dit qu’ils avaient été crées par un de ses souverains, il était marié avec une femme originaire de perse et qui était très malheureuse de ne plus revoir les montagnes de son pays.
Le roi était tellement amoureux d’elle, qu’il lui fait construire une montagne artificielle plantée d’arbre et des fleurs.

Ishtar : c’est la déesse de l’amour et de la guerre.

Tour de Babel : l’histoire raconte que le dieu se mettant en colère en pensant qu’il était très simple d’accéder au paradis.
C’est pourquoi, il invente plusieurs langues qui créèrent la confusion parmi les constructeurs, ci derniers ne se comprennent plus, ne purent terminer la construction.

Ninive : est une ancienne ville d'
Assyrie, sur le Tigre, qui se trouve à l'heure actuelle non loin de la ville de Mossoul en Irak.
Cunéiforme : les écritures cunéiformes. Écritures dont l'apparence ressemble à un ensemble de clous (et de coins). De nombreuses langues utilisèrent l'écriture cunéiforme, par exemple, l'Akkadien, le Perse, le Hittite ou l'Ougaritique.
Génies : se sont les taureaux ailés



1-Mésopotamie ancienne
2-Stèle de Hammourabi, Caractères cunéiforme et en langue babylonienne 1791-1750 avant JC Musée du Louvre, Paris.

3-le roi Assurnasirpal II (883-850 avant J.-C.).






Denise Masson




Née en 1901 à Paris, Denise Masson est fille unique de parents très aisés. Son père, Maurice Masson, juriste et amateur d'art, a, très tôt, constitué une remarquable collection d'art impressionniste que père et fille légueront au Musée des Beaux-arts de Lille. Dès 1911, la famille passe une partie de l'année en Algérie, dans la propriété des grands-parents maternels, en raison de la santé fragile de Denise. Elle est donc, dès le plus jeune âge, familière et imprégnée de la culture maghrébine et musulmane.
Elle reçoit, surtout à la maison, une éducation de jeune fille bourgeoise: études classiques, latin et musique, jusqu'au brevet supérieur.
En 1925, ses parents se séparent, puis divorceront, situation dont Denise souffrira toute sa vie.
C'est à cette époque, dans les années vingt, que Denise, catholique très croyante, essaie la vie de couvent, mais Denise de la Trinité redevient Denise Masson et décide de devenir infirmière.
Idéaliste comme beaucoup de jeunes françaises catholiques de la bourgeoisie de l'époque, et toujours attachée au Maghreb, elle partage les idées du catholicisme social et de la bienfaisance pratiquées par des ordres tels que les Pères Blancs, les Frères de Foucault ou les Petits Frères de Jésus.
Elle vit une première expérience d'infirmière à Tunis et, après plus ample formation à Paris, elle s'installe, en 1929, au Maroc, alors sous protectorat français. Adhérant aux idées du premier Résident général Lyautey, elle croit en la mission civilisatrice du protectorat, mais aussi au respect et au maintien de la « marocanité » et à un futur état indépendant. Elle défendra l'utilité et les mérites du protectorat « lyautien » jusqu'à la fin de sa vie, tout en critiquant les erreurs commises par le « troupeau des énergumènes colonialistes » qui parvinrent à faire rappeler Lyautey par le gouvernement français. Selon elle, la France,
Avec le départ de Lyautey, a trahi l'esprit et la lettre du protectorat.
Elle commence à travailler en tant qu'infirmière au dispensaire antituberculeux de Rabat. Très vite pourtant, elle se distingue de ses compatriotes par son intérêt profond pour l'Islam et les Musulmans. Cet intérêt peut s'expliquer justement par son respect de la marocanité et donc aussi de la religion des Marocains, ou bien y cherchait-elle une intensité de foi, traditionnelle et conservatrice, qu'elle ne trouvait plus dans le christianisme. Elle se lance également dans l'apprentissage de l'arabe classique et dialectal - écrit plutôt que parlé - à l'Institut des Hautes Etudes.
En 1930, elle devient directrice du dispensaire antituberculeux dans la médina de Marrakech.
Elle cesse de travailler comme infirmière en 1932, ce qui lui est possible grâce à la fortune familiale, et elle se consacre, de plus en plus, à des études destinées à démontrer les points communs et les divergences des trois grandes religions monothéistes - le christianisme, l'islam, le judaïsme - sans jamais recourir au syncrétisme.
En 1938, elle s'installe à Marrakech, Derb Zemrane, dans le Riad qui porte aujourd'hui son nom et qu'elle ne quittera plus jusqu'à sa mort.
Offert par ses parents, comme ses appartements de Paris et de Villefranche-sur-Mer où elle passe l'été, ce Riad devient sa « tour d'ivoire » et lui permet de vivre sa vie « d'excentrique », comme elle se proclame, au sens propre du terme, de solitaire travailleuse avec peu d'amis et de contacts en dehors de son travail.
En effet, enracinée dans son identité de française chrétienne, avec un penchant pour l'aile conservatrice de l'église catholique, elle reste à l'écart de la plupart de ses compatriotes qu'elle trouve « pas fréquentables » et « mal élevés », et en même temps de la culture marocaine et de l'Islam, qu'elle étudie, admire, et critique, en observatrice.
En 1939, son père et sa deuxième femme la rejoignent à Marrakech où son père décède en 1947.
Son parcours littéraire :
Pendant la Deuxième Guerre mondiale elle reste au Maroc mais prend ses distances avec ses compatriotes et ses co-religionnaires ; partisans de la collaboration et du maréchal Pétain. Selon une rumeur, elle aurait été fichée au consulat de Marrakech.
Dès 1940, elle se lance dans un projet de formation adéquate (« islamo-marocaine ») d'assistantes sociales pour l'Afrique du Nord, sous l'égide de Lucien Paye, à l'époque directeur de l'enseignement musulman au Maroc. A partir de 1944, attachée à l'Instruction publique du gouvernement provisoire d'Alger, elle prévoit, en fait, un service social favorisant l'adaptation des Marocains à une civilisation moderne, à l'aide d'assistantes sociales connaissant parfaitement la culture et les mœurs marocaines, et surtout l'arabe. Mais elle démissionne en 1947, déçue qu'on ne suive pas ses conseils, surtout en matière de l'apprentissage de l'arabe, et soupçonnant l'appareil colonialiste de ne pas vraiment vouloir l'émancipation du Maroc et de la femme musulmane.
En effet, elle est, par principe, pour l'indépendance du Maroc et soutient les « légitimes revendications » des Marocains. Pourtant, l'indépendance décevra ses espoirs.
Elle reprend ses études après l'échec du projet de service social, influencée surtout par le grand orientaliste Louis Massignon (« le maître » comme l'appelait Denise Masson qui l'avait rencontré en 1932), par le théologien chrétien Louis Gardet et par le mouvement d'orientalisme catholique et de réflexion chrétienne sur l'Islam pratiqué au Maghreb. En 1958, elle publie Le Coran et la Révélation judéo-chrétienne aux éditions Adrien Maisonneuve.
Ayant commencé, pour ses études portant sur les points de contacts entre les trois religions monothéistes, à traduire elle-même des extraits du Coran, elle décide de le traduire en entier, et en 1967, sa traduction - dans la mesure où l'on peut parler de traduction du Coran, qui est, pour les Musulmans, la transcription de la parole de Dieu - paraît chez Gallimard dans la Bibliothèque de la Pléiade. Bien que Denise Masson se soit fortement appuyée sur des traductions déjà existantes, par exemple celle de Régis Blachère, c'est elle qui produit le texte français le plus lisible. Sa traduction reste, jusqu'à ce jour, la plus vendue et une des plus recommandées, surtout en raison de son style fluide et concis et de sa véritable qualité littéraire. C'est sans doute son plus grand accomplissement d'avoir rendu le Coran plus accessible pour le lecteur français.
Dans sa préface de cette traduction, Jean Grosjean écrit : « Le texte coranique est un sacrement : il apporte la grâce de le croire. Sa naissance fut miracle. Est-ce qu'un traducteur peut faire un miracle ? Il peut, du moins, à force de respect pour ce texte, en livrer le reflet. Denise Masson l'a humblement et patiemment essayé et arrive par une sorte d'ascèse, à rendre contagieux le mouvement du langage. »
En 1976 paraît Monothéisme coranique et Monothéisme Biblique, en 1983, Les Trois Voies de l’Unique, en 1986, L'eau, le feu, la lumière, et en 1989, son ouvrage semi-autobiographique Porte Ouverte sur un Jardin Fermé (tous aux éditions Desclée de Brouwer)
Elle décède en 1994 à Marrakech.
Denise Masson était une femme solitaire et déterminée ; un esprit original et une grande travailleuse. Ni universitaire, ni prosélyte, cette chrétienne en terre d'Islam a dédié sa vie à ses études religieuses comparées et à la « compréhension fraternelle » entre religions monothéistes. Ascétique avec des goûts de luxe, dure et affectueuse, ses contradictions en font sa singularité.
Le Riad
L'ancien Riad el Hafdi (Hafdi étant le nom de l'ancien propriétaire, « celui qui garde le Coran en entier dans son cœur ») du 19ème siècle, se trouve près de Bab Doukkala. Derrière un traditionnel portail en bois clouté, et, passé le réduit qui sert encore de garage à l'antique bicyclette de Denise Masson, le Riad s'organise autour d'un vaste jardin traditionnel avec bassin central. D'un côté, se trouve le bâtiment habité par Denise Masson, avec un salon au plafond de cèdre sculpté et un orgue qu'elle fit venir de France, une cuisine, une salle de bain et surtout, à l'étage, la grande bibliothèque que Denise Masson fit construire. A la fois salle de travail, chambre et salon, c'est là qu'elle passa le plus clair de son temps, et où, surtout, elle travaillait, assise sur son lit, une tablette sur les genoux.
Elle possédait environ 3000 ouvrages, dont une infime partie seulement reste aujourd'hui dans les lieux, la Bibliothèque de La Source, à Rabat, ayant accueilli le gros des ouvrages sur la religion et sur le Maghreb. De la bibliothèque, on accède à une terrasse avec vue magnifique sur l'Atlas. De l'autre côté du jardin, se trouvent les logements pour les résidents de l'Institut français ainsi que la piscine de Denise Masson, nageuse passionnée, qui ironisait : « Je suis une de ces horribles colonialistes à piscine et à orgue ».